LES CONVERSATIONS DES PÉGASES

TRANSCRIPTION

Épisode 1 — Conversation avec Jean-Luc Cano (Dont Nod Entertainment) et Sébastien Renard (Asobo Studio)

Jean Zeid : Bonjour et bienvenue dans ce premier épisode de “Conversations avec les Pégases”, un podcast de l’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo.
En Mars dernier, deux titres, s’appuyant sur des scénarios puissants, ont particulièrement séduit les votants des Pégases, cette cérémonie récompensant chaque année les professionnels français du jeu vidéo.
Ces deux jeux se nomment “A Plague Tale : Innocence”, du studio bordelais Asobo, et “Life is Strange 2”, signé des parisiens Dont Nod.
Cet épisode inaugural de “Conversations avec les Pégases” réunit ainsi le scénariste Jean-Luc Cano, notamment à l’origine des deux épisodes de “Life is Strange”, et Sébastien Renard, narrative director chez Asobo.
Deux auteurs, qui marient narration et interactivité, avec singularité et talent.
Je m’appelle Jean Zeid, et voici le premier épisode de “Conversations avec les Pégases”.

Intro : Ce premier podcast des Conversations des Pégases a été conçu par l’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo afin de faire entendre les créatrices et les créateurs sur leurs préoccupations lors d’entretiens au long cours.
L’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo rassemble les professionnels du secteur en France. Elle se donne pour objectif de permettre une meilleure compréhension de ses métiers et de la façon dont sont créées les oeuvres. Des productions mises en lumière chaque année lors d’une cérémonie : les Pégases du jeu vidéo.
Bienvenue à vous.

 

JZ : Jean-Luc Cano, Sébastien Renard, bonjour.

Sébastien Renard : Bonjour !

Jean-Luc Cano : Salut !

JZ : Vous vous rappelez la première fois où vous avez écrit une histoire pour un jeu vidéo ?

SR : Oui…

JLC : (rires) Raconte-nous !

SR : Moi c’était “Obscur II” qui était un survival horror, qui était développé par Hydravision, donc c’était à Tourcoing. C’était ma première expérience professionnelle et ça a été extrêmement formateur, d’autant qu’en plus, avant ça, j’avais vraiment zéro expérience en tant que pro. J’avais écrit quelques scénarios, mais surtout des court-métrages, et donc, ça a été assez courageux de leur part de me donner ce contrat-là.
Après, la réalité c’est aussi que j’étais débutant donc forcément je pense que je coûtais beaucoup moins cher qu’un scénariste de cinéma ou quelqu’un qui avait plus de bouteille, mais ça a été extrêmement formateur, et extrêmement douloureux à certains moments, aussi. Justement, je suis passé, à cette époque-là, par ces fameuses phases de doutes, même des phases de tétanie, où je me sentais planté dans l’histoire, dépassé par l’ampleur du chantier de façon générale… Parce que quand on écrit un jeu, on écrit un jeu, on n’écrit pas un bouquin dans son coin. Il y a tellement d’éléments qui entrent en jeu, et je pense qu’à cette époque-là, j’avais une certaine difficulté à aller chercher de l’aide, parce que, pour moi, ça revenait à dire “Je suis en difficulté”, et c’était difficilement acceptable.

JLC : Moi, j’ai commencé pour Dont Nod, et j’ai commencé à travailler à Dont Nod vraiment au tout début de la création de la boite, comme réalisateur des cinématiques et de la motion capture. On était en train de faire le proto de Remember Me, c’était dès le début, dans son ADN, que le jeu allait avoir de la narration, allait avoir une histoire. Petit à petit, j’ai expliqué aux personnes avec qui je travaillais, qu’en tant que réalisateur des cinématiques et de la motion capture, j’aurais besoin de mettre un peu les mains dans le scénario, j’aurais besoin de savoir de quoi on parle, j’aurais besoin de faire des feedbacks, parce que moi, à la base, je travaillais beaucoup comme scénariste pour l’industrie cinématographique et audiovisuelle. Du coup, j’avais besoin de me réapproprier certaines parties de l’histoire, pour pouvoir justement les diriger et les filmer derrière.
Je me souviens qu’on a beaucoup travaillé à l’époque avec le scénariste principal de Remember Me, qui s’appelle Stéphane Beauverger, et qui, du coup, m’a beaucoup appris aussi, vu qu’il avait beaucoup plus d’expérience dans le jeu vidéo que moi, justement, ce côté un peu… d’avoir l’abnégation de se dire “Le scénar’ change parce que les game designers ont pensé à une nouvelle feature ou à un nouveau type d’ennemi…” Du coup il faut que ce soit intégré dans la narration. Et je le voyais retravailler le script pendant des heures et des heures, faire des dizaines et des dizaines et des dizaines de versions…
Du coup, quand on a créé “Life is Strange” derrière, j’avais pu profiter de son expérience et c’était super formateur. Il m’a appris ce que c’était qu’un scénariste de jeux vidéo qui a 15 ou 20 ans d’expérience derrière lui, ce par quoi tu dois passer.

SR : Ca n’a pas de prix, en fait, de pouvoir avoir un mentor. Moi, c’est vrai que je me suis souvent retrouvé seul scénariste, et c’était beaucoup pour des questions budgétaires, et aussi parce qu’on parle de quelque chose qui a, là c’était il y a 15 ans, maintenant, quasiment, 14 ans, donc c’était encore une autre époque… Embaucher des scénaristes pro, c’était pas encore hyper institutionnalisé. Aujourd’hui, il y a vraiment une flambée à ce niveau-là, ça recrute énormément et c’est très cool, ça s’est vraiment professionnalisé. Mais c’est vrai que ça, faire en l’absence de quelqu’un qui sait vraiment… il faut apprendre en faisant des boulettes, donc il faut juste y survivre en fait… (rires)

JLC : C’est ça…

SR : Et ça passe par beaucoup écrire, beaucoup tester. Quand on écrit pour du jeu vidéo, on écrit toujours la manette à la main, parce que sinon on n’apprend absolument rien. Il n’y a que comme ça qu’on vit vraiment ce qu’est une histoire pour un jeu, c’est en vivant exactement ce que le joueur va vivre.

JZ : Jean-Luc Cano, ces mécaniques de jeu sont-elles un frein à l’écriture, ou, au contraire, est-ce une source de création ?

JLC : Surtout pour le jeu vidéo, il faut, obligatoirement, je pense, intégrer les mécaniques de gameplay au coeur de l’écriture, parce que sinon, on va écrire une histoire qui est probablement très chouette, très bien, mais qui risque d’être décorrélée de l’expérience joueur, du gameplay et de la manière dont on fait avancer le jeu, et du coup on va avoir un produit fini, qui à mon sens sera bancal.
Tandis qu’à l’inverse, si, dès le départ, on dit “voilà, c’est quoi le gameplay du jeu ? Qu’est-ce que va “expériencer” le joueur quand il va avoir la manette en main ?”… A partir de là, la narration, même si c’est un pan de création à part entière, doit servir le gameplay.
Typiquement quand on écrit un film ou une fiction pure, on n’a pas ces “contraintes-là”. Dans le jeu vidéo, on a beau écrire le meilleur scénario du monde, si on s’emmerde avec la manette à la main et que ce qu’on est en train de faire à l’écran ne correspond pas à ce qu’on raconte, il y aura toujours cette impression de décalage.
Avant de commencer à écrire, quelle que soit la première bribe d’histoire, même si on a une idée, même si on a un concept, il faut d’abord se poser en disant “ok, on a une idée générale de ce que va être le jeu… Qu’est-ce que va être l’expérience joueur ? Comment est-ce qu’il va le jouer ? Et du coup, comment intégrer ça dans la narration ?”
L’expérience sur LIS1, on est partis à la base de l’idée du pouvoir et du rewind, et du coup, c’est de ce “rewind” là que sont nés les personnages de Max et Chloé, de Max notamment. La faiblesse de Max, qui est inhérente au “rewind”, c’est la peur de grandir, donc du coup, forcément, le fait de “revenir” dans le temps tout le temps et de pouvoir changer ses décisions, c’était une expression de sa faiblesse.

 

SR : De toutes façons, la boîte à outils du scénariste jeu vidéo, c’est définitivement le game design, en fait. C’est ce qui fait la spécificité de notre métier, c’est vraiment d’arriver à comprendre ce langage-là, à parler le même langage que les designers, et effectivement, quand on commence à bosser sur un projet, à bien se mettre au clair sur ce que va être l’expérience émotionnelle, qui va être à la fois narrative et gameplay, parce que c’est de la réussite de cette cohérence que va dépendre tout le succès de l’immersion.
Et effectivement, la première démarche, comme dit Jean-Luc, c’est d’envisager le jeu comme une expérience totale, qui unifie la narration et le gameplay.

JZ : Est-ce que vous écrivez toujours en ayant, au-dessus de votre épaule, le regard d’une joueuse ou d’un joueur fictif ? Est-ce que vous pensez sans cesse aux gens qui vont prendre la manette de votre histoire ?

JLC : C’est déjà, un travail de concert avec les game directors, en tout cas pour mon expérience sur LIS, où, vraiment, on discute énormément, on imagine l’histoire ensemble… Et après, évidemment, on partage tout ça à l’équipe, qui nous fait ses feedbacks. Ce n’est pas “J’ai écrit une histoire, ça ne bouge pas d’un iota, démerdez-vous avec !”
Là-dessus, évidemment derrière, il y a les éditeurs, des personnes qui financent le jeu et qui ont leurs retours à faire aussi, c’est de la discussion. Ce n’est que de la bienveillance, il y a généralement peu d’égo, en tout cas, moi, j’ai eu la chance de travailler avec des gens… et j’essaie d’être à la hauteur aussi, de me dire, “je ne mets pas d’ego dans tout ça”.
Le but, c’est de faire le meilleur jeu derrière. 

SR : De toutes façons, quand on écrit un jeu, tout ce qui est produit, tout ce qui est écrit, passe dans le jeu. Il y a une phase où, bien sûr, on écrit sur papier, mais je sais que pour “A Plague Tale”, en tout cas, il y a vraiment ce truc… A la fin, on écrivait carrément, directement dans Excel pour pouvoir exporter les dialogues avec des voix-robots absolument immondes (rires de Jean-Luc Cano) qui sont toujours un vrai bonheur, tout directement à l’intérieur du jeu. Et après ça, vous avez une équipe, en l’occurrence pour “A Plague Tale”, de 45 personnes, qui ont la manette à la main tous les jours.
Donc, si vous voulez, votre travail est vu, revu, entendu, et après, il y a les réunions où l’on va faire des “reviews”, comme on dit, des dialogues, etc. Et là, quand vous entendez les dialogues dans le jeu, en voyant la personne qui joue, vous avez 15 personnes autour de la table, je peux vous dire que, quand un dialogue ne fonctionne pas, vous le savez tout de suite !

JLC : (rires) Ca c’est vrai, c’est clair.

SR : Vous le sentez à l’intérieur de vous, ce moment où vous avez envie de pleurer, d’un coup. Ca c’est assez intéressant, surtout, peut-être pour les personnes qui débutent, c’est “comment recevoir des feedbacks ? comment recevoir des retours sur des choses que vous sortez de vos tripes ?”
Ça c’est quelque chose qui fait partie de la vie professionnelle, d’arriver à accepter ces retours-là, et de se focaliser uniquement sur le fait de se dire “Bon, comment je vais améliorer ça pour atteindre le meilleur niveau possible, en sachant que tout le monde oeuvre à la même chose, c’est-à-dire de faire le meilleur jeu possible à la fin ?”

JLC : Les premiers temps, je suis d’accord avec toi, c’est hyper difficile parce que…

SR : On peut avoir l’impression d’être attaqué personnellement

JLC : Exactement, tu prends ça pour toi en te disant “Merde, ils n’ont pas compris ce que je voulais faire, etc”, et je pense que l’expérience et la “sagesse”, le fait de grandir aussi, et d’évoluer dans ce métier-là te fait dire “non, ce n’est pas moi qu’ils attaquent, c’est ce que j’ai écrit. Peut-être que j’ai mis à côté, parce que voilà, on est juste des êtres humains, on n’a pas la science infuse, et, parfois, ça arrive de mettre à côté.”

 

SR : On a une date de sortie, il faut avancer, donc, ce qui est intéressant, c’est que justement, moins on se pose des questions, et moins on lutte contre des fantômes, justement, contre cet égo dont parle Jean-Luc, et mieux on avance, tout simplement.   

JZ : Mais, ça a de l’égo, un auteur ?

JLC : Ça a de l’égo, oui, évidemment.

SR : Ça dépend comment on l’utilise.

JLC : Il faut savoir le placer au bon endroit, il faut savoir choisir ses combats, aussi. Quand on a un retour sur un point précis, si on est capable de le défendre en disant “Voilà, moi je l’ai fait pour ça, voilà ma démarche”, si on a bien fait son boulot en amont, la personne en face est aussi capable de comprendre la démarche. 
Comme disait Seb, il y a toute une équipe derrière, et quand on fait un truc un petit peu par-dessus la jambe, parce que fatigue, parce que heures de boulot, parce qu’il faut qu’on speed, etc. Ca se sent, souvent. “Là, t’étais pas au top quand même sur ce truc-là, tu l’as fait un peu vite, tu es retombé dans tes facilités parce que t’es facile pour faire ça ”. Il faut aussi être capable de se dire “D’accord…”. Voilà, c’est aussi comprendre ce que veulent exprimer les gens en face.

JZ : Est-ce que vous avez joué au jeu de l’un et de l’autre ? Jean-Luc Cano, est-ce que vous avez eu le temps de jouer à “A Plague Tale : Innocence” ?

JLC : Alors, je l’avoue très humblement, je n’ai pas eu le temps d’y jouer.

SR : Tu as le droit de le dire, parce que moi, je n’ai pas joué à “Life is Strange 2”.

JLC : (rires) Je n’ai pas eu le temps de jouer parce qu’en fait, j’ai une petite fille qui me prend beaucoup de temps, et du coup, j’ai peu le temps de jouer à tous les jeux. En fait, j’ai une pile de jeux à la maison.

SR : Moi je n’ai pas l’excuse de la petite fille mais bon, voilà. L’avantage c’est qu’il y avait eu un DLC, donc j’avais fait le DLC, c’était “Captain Spirit”.

JZ : Est-ce qu’on a le temps de jouer quand on est scénariste ?

JLC : Oui !

SR : Oui, ça dépend un peu de la vie de famille autour, j’imagine, mais moi, j’arrive quand même à trouver le temps, parce que c’est un plaisir et c’est un outil essentiel pour nous aussi. Il y a tellement de choses qui se font, qui s’inventent, qui se testent, dans un medium qui reste quand même assez jeune. C’est vrai qu’on est dans un âge assez pivot donc c’est hyper intéressant.

JZ : “Life is Strange 2” et “A Plague Tale : Innocence”, ce sont des jeux qui ont beaucoup en commun, pas seulement le fait d’avoir remporté des Pégases, en mars dernier. Ce sont deux aventures qui mettent en scène des duos. Dans “Life is Strange 2”, ce sont les frères Diaz qui sont au centre d’un scénario contemporain : Shaun, 16 ans, et son frère Daniel, 9 ans. Une fratrie qui fuit Seattle à la suite d’un événement tragique pour tenter de rejoindre le Mexique. 
Et puis, il y a “A Plague Tale : Innocence”, qui conte les déambulations d’Amicia de Rune, 15 ans, et de son frère cadet Hugo, 5 ans, tous deux livrés à eux-mêmes alors que la Guerre de 100 Ans et la peste font rage dans la France du XIVème siècle.
Sébastien Renard, comment a débuté la création d’Amicia et Hugo ? L’un est-il né avant l’autre ?

SR : Non, ils sont arrivés en même temps. C’est vrai que l’idée d’avoir un binôme s’est imposée assez rapidement parce qu’en fait, il y a quelque chose qui a émergé dans le jeu vidéo ces dernières années, qui est assez intéressant, c’est cette présence de l’autre, du compagnon.
C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué, qu’on a retrouvé dans pas mal de jeux, les Naughty Dog ont un peu sacralisé ça en mettant vraiment les compagnons au coeur de la narration.
L’avantage premier, c’est le lien qu’on va créer et c’est l’émotion qui va s’en dégager, donc c’est vrai que, instinctivement, quand on a commencé à bosser sur la préprod, on est très vite allés vers l’idée d’avoir deux personnages, Amicia et Hugo. On s’est demandés ce qui pourrait nous toucher le plus, il y avait ce lien familial, parce que je pense que c’est toujours pareil, on va chercher une résonance universelle quand on écrit. Et la question de la fratrie, du frère, de la soeur, c’était quelque chose qui nous touchait, avec la présence du petit frère, qui quelque part… on se dit instinctivement que, si on le fait bien, on va arriver à stimuler quelque chose, chez le joueur, que beaucoup de gens connaissent, qui est cette volonté de protection et d’empathie.

JLC : Nous, on venait de sortir du premier Life is Strange, qui était l’histoire de Max, et peut-être de son “binôme”, aussi, Chloé. On avait déjà commencé à évoquer ça dans le premier Life is Strange.
Et là, quand on a commencé à bosser sur LIS 2, à la base, c’est plus le concept du jeu qui a créé les persos, on s’est d’abord dit “Quelle histoire on a envie de raconter ?”.
Et c’est vrai que très très vite, on est partis sur une notion de roadtrip et, direct, on a dit “ok, voilà, il y a une image qui s’est imposée, comme un petit flash, avec deux gamins tout seuls sur les routes des Etats-Unis”.
Et à partir de là, on a dit “ok c’est quoi cette image ? C’est qui, ces deux gamins ? Ca serait marrant que ce soit deux frères. Pourquoi est-ce qu’ils sont sur la route ? Parce qu’ils fuient quelque chose.”
Et c’était une envie de faire un roadtrip, et de se démarquer du premier Life is Strange. Parce que dans le premier Life is Strange, on est uniquement sur Arcadia Bay, dans une petite ville qu’on essaie d’explorer, où l’on connaît un petit peu tous les personnages, tous les gens autour, et on voulait vraiment changer notre fusil d’épaule sur Life is Strange 2.
Et, à partir de là, très très vite, on a dit “on veut faire une histoire de deux frères.”.
Je rejoins un peu ce que Seb a dit à propos du lien qu’on créé, sur l’attachement à un personnage, et notamment à un frère ou à une soeur. On a eu aussi envie, par rapport au premier Life is Strange, où l’on avait deux protagonistes féminins, de changer notre fusil d’épaule et d’explorer des relations plus masculines, qu’on peut avoir avec deux frangins. C’est-à-dire des trucs qui sont peut-être parfois un peu plus durs, c’est-à-dire que voilà, ton petit frère peut être à la fois la personne que tu aimes énormément, avec qui tu passes de bons moments, mais qui te casse aussi souvent les couilles, et du coup, on voulait explorer un petit peu ce truc-là, et ne pas faire juste une amitié où tout se passe “plutôt bien”.

JZ : Qu’est-ce qui vous plaît tant dans le road-trip ?

JLC : Ça permet de montrer métaphoriquement l’évolution du personnage principal, c’est-à-dire que ce soit les paysages qu’il va traverser, cela va refléter son état d’esprit et ses combats intérieurs. Life is Strange 2 c’est vraiment un jeu sur un voyage initiatique, donc du coup le road trip c’est totalement ancré dans l’ADN du jeu.

SR : C’est un road-trip un peu forcé pour nos personnages, ils n’ont pas leur guide du routard dans la poche quand ils partent (rires). Je dirais que tout jeu vidéo est un road-trip en fait, on y parcourt tellement de kilomètres, il y a cette notion de déplacement physique, d’exploration, ça avance tout le temps. On fait rarement des huis clos – ce qui serait intéressant mais ce serait un autre type de jeu. Il y a ce goût de proposer un voyage au joueur, de le dépayser, de lui montrer 1001 décors. Il y a cette émotion propre au voyage et après, sans vouloir faire dans le cliché, les voyages forment la jeunesse – surtout quand il y a des millions de rats qui bouffent tout le monde (rires). Mais voilà, il y a cette dimension de l’apprentissage, du rite de passage qu’on retrouve dans le voyage aussi. Donc je dirais que c’est un très beau dispositif narratif qui est somme toute assez courant dans le jeu vidéo.

JZ : Amicia et Hugo se connaissent peu quand commence A Plague Tale : Innocence, Sébastien Renard pourquoi ce lien ténu, fragile, entre ce frère et cette soeur ?

SR : C’était une volonté d’ordre purement dramaturgique quand j’ai commencé à écrire, assez rapidement je me suis dit que je n’avais pas envie que cette relation soit donnée. Alors c’est vrai que c’est un postulat qui pour le coup est complètement différent de Life is Strange 2, où on est vraiment dans une relation entre deux frères et on va inviter le joueur dans cette relation. Moi il y avait vraiment ce côté “ils vont devoir apprendre à se découvrir” dans un moment extrêmement tendu pour eux, ce qui va effectivement créer énormement de tension ; surtout quand on a un gamin qui a 5 ans et qui est complètement dépassé par tout ce qu’il se passe autour de lui, Amicia qui malgré toutes ses qualités est quelqu’un d’un peu égoïste et un peu dans son monde, c’est ce qu’on comprend au début du jeu, et je voulais montrer comment elle va devoir évoluer pour se sublimer, devenir adulte, trouver sa place dans cette famille à travers Hugo, se responsabiliser et bien sûr l’enjeu ultime c’était de montrer la naissance d’un véritable lien d’amour entre les deux.

JZ : Et puis il y a cette différence d’âge entre Amicia et Hugo.

SR : Je pense que les contextes jouent aussi, les contextes historiques. Nos personnages viennent d’une famille noble, Hugo est quand même un enfant très bien élevé. De base je pense que la dynamique entre les personnages est déjà un peu différente, on a moins ce côté “rebelle”, etc. Après le but c’était de les maintenir le plus possible dans la narration et d’éviter au maximum de les avoir dans le gameplay, parce qu’il y a un truc que les joueurs détestent, c’est ce qu’on appelle les “jeux d’escorte” ou les “missions d’escorte”, où on doit accompagner un personnage d’un point A à un point B en veillant à ce qu’il ne se fasse pas tuer, ce qui peut être assez problématique. Des gens ont été traumatisés par certaines séquences comme ça dans les jeux donc on a vraiment fait gaffe à ce que leur unité soit vraiment palpable à l’écran, c’est-à-dire qu’on considérait vraiment littéralement, techniquement Amicia et Hugo comme un seul personnage, ce qui était hyper intéressant ; en tous cas, que cette tension n’investisse pas le gameplay parce que sinon c’était impardonnable, ça voulait dire qu’on allait créer un biais et une rupture avec le joueur.

JZ : Life is Strange 2 et A Plague Tale : Innocence partagent aussi le même épisode tragique, la perte d’un parent.

JLC : C’est un “truc de scénaristes” qu’on a tous, c’est que quand tu veux projeter tes personnages dans une histoire, et par ce biais-là faire investir le spectateur dans ce que tu vas lui raconter, il faut ce qu’on appelle un élément déclencheur. Et plus l’événement déclencheur est fort, marquant, choquant et inattendu, plus le spectateur va se sentir proche des personnages ; il va vivre exactement la même chose que les personnages. Donc commencer une histoire par un élément déclencheur aussi fort, en tous cas pour Life is Strange 2, la mort du père de Sean devant lui et son petit frère, c’est quelque chose qui n’est pas du tout attendu et c’est vraiment l’une des scènes les plus “difficiles” qu’on ait eu à écrire, à tourner et à mettre en scène, pour qu’en fait tout le début du jeu soit d’un quotidien, d’une banalité, qu’on soit vraiment dans une normalité, pour trancher drastiquement et changer d’ambiance à travers une énorme surprise pour le spectateur en disant “voilà, maintenant tu es aussi choqué que ton personnage principal, tu peux te mettre dans ses baskets, et commencer l’aventure avec lui”.

SR : De toute façon, j’ai un univers créatif qui est de base assez sombre, faut pas se le cacher. J’ai quand même travaillé sur pas mal de jeux d’horreur, de jeux fantastiques, c’est un genre que j’apprécie, et Jean-Luc a raison quand il dit que de toute façon, pire est le contexte pour les personnages au début d’une histoire, et plus on va s’attacher à leur combat si tout est bien ficelé autour.

 JLC : En vrai, plus tu crées d’épreuves à ton personnage, et t’as beau les aimer – j’imagine que Seb aime ses personnages autant que je peux aimer les miens…

 SR : … C’est la condition essentielle pour l’écriture…

 JLC : … C’est ça. Si tu fais une espèce de petit chemin de fleurs à ton personnage pour aller du point A au point B, tu te dis qu’il ne va pas forcément avoir besoin de se dépasser, il n’a pas forcément besoin d’aller chercher ses limites, d’affronter ses démons, etc. Tandis que plus tu mets des épreuves, qui semblent de plus en plus insurmontables, plus le personnage va devoir trouver à l’intérieur de lui la force de continuer, et Sébastien parlait d’universalité, c’est exactement ça. C’est-à-dire que le combat universel de tout être humain, de se dire “voilà, j’ai un truc vraiment galère qui m’arrive dans ma vie, il va falloir que je le transcende et que je passe outre, ou alors pas du tout et je reste là et je subis”, c’est des questionnements qu’on a tous ressenti, que ce soit professionnellement, amoureusement ou dans notre vie de tous les jours. Donc ici, le fait de raconter ce genre d’histoire, c’est de métaphoriquement, avec des épreuves qui sont peut-être “bigger than life”, c’est de faire une métaphore de ce qu’il nous arrive dans notre vie à nous.

 JZ : A Plague Tale : Innocence et Life is Strange 2 mettent également en scène des parias.

JLC : C’était aussi une volonté de notre part, avec Life is Strange 2, que ce soit à travers les frères Diaz ou même avec beaucoup de personnages, de parler aussi de gens et de catégories de personnes qui ne sont pas forcément toujours représenté(e)s ou à leur juste valeur dans les jeux vidéo. On voulait aussi parler de plusieurs sujets, d’actualité politique et de sujets sociaux qui sont vraiment dans l’ADN de Life is Strange. Et effectivement, c’était une volonté de notre part de mettre en scène des personnages qui ne sont pas forcément toujours mis en avant dans les jeux vidéo.

SR : Amicia et Hugo sont des parias dans ce monde-là mais à l’inverse de Life is Strange 2, où on parle d’une minorité, avec une dimension politique qui est vachement intéressante derrière, nous c’est vraiment l’inverse. C’est des personnages qui sont privilégiés à la base, et qui se retrouvent jetés dans le grand monde, qui est le monde de la France, on va dire des pauvres, de tous ces gens qui survivent à côté – bon, ils ont l’Inquisition aux fesses mais ça c’est un autre problème… On pourrait dire que c’est des parias, c’est juste qu’effectivement ils font partie d’une caste et du coup, ils se retrouvent confrontés à un monde qu’ils ne connaissent pas, donc c’est vraiment un conflit “sociétal” profond.

JZ : Au-delà de ce statut de paria discutable, Amicia est une héroïne très fragile.

SR : C’est quelque chose qui a été relevé pas mal par les joueurs et qui a été assez apprécié, c’est le fait qu’Amicia n’est pas une guerrière, en fait. C’est une jeune fille athlétique, un petit peu aventurière mais “de salon” on va dire, qui s’amuse avec sa fronde dans le jardin du domaine familial, mais qui n’est pas du tout rodée à l’aventure. Quand les événements s’emballent dès le début, ça commence assez durement avec une grosse tragédie, en fait elle se retrouve vraiment complètement désemparée et ce qu’on va voir, c’est comment ce personnage va petit à petit émerger, non seulement comme une survivante… donc on a énormément joué sur ça, c’est vrai que ça aide aussi beaucoup l’arc de progression du personnage. Cela nous a obligés par contre, à vraiment se focaliser sur les moments-clés de cette évolution-là, c’est-à-dire par exemple la première fois qu’Amicia va tuer quelqu’un, c’est pas du tout anodin pour elle, et c’est donc quelque chose sur lequel on a mis beaucoup d’emphase. On l’a fait même un peu tardivement, le jour où on a ouvert les yeux là-dessus on s’est dit “on ne peut pas laisser ça comme ça, on ne peut pas traiter à la légère ce moment-là” – ça oblige à créer un événement spécifique, des animations spécifiques, à vraiment faire vivre au joueur une fois de plus ce moment-là. Prendre la vie de quelqu’un, ce n’est pas anodin pour une jeune fille qui vient d’être jetée hors de sa famille et qui a perdu autant de choses.

 JZ : Life is Strange 2 et A Plague Tale : Innocence sont aussi des jeux qui rendent le fantastique un peu plus quotidien, un peu plus réel.

 SR : J’adore ça, j’ai toujours adoré ça depuis que je suis ado. Que ce soit Stephen King, Clive Barker, Lovecraft puis ensuite le cinéma fantastique, Carpenter, Cronenberg, le cinéma d’horreur, j’ai toujours été ultra attiré par ça. Déjà parce que – je ne vais pas m’auto-psychanalyser mais (rires) – je pense qu’il y a une beauté dans le genre fantastique, c’est qu’il est facilement poétique aussi. Cette focalisation sur le merveilleux permet aussi de faire des choses qui sortent de l’ordinaire et j’avoue que j’ai beaucoup de mal avec les produits très terre à terre, ça m’ennuie hyper vite. J’ai besoin de ce merveilleux-là.

JLC : Depuis mon enfance je suis passionné par tous les univers un peu imaginaires, que ce soit du fantastique, de la science fiction, je rajouterais à tous les auteurs et à tous les cinéastes que Seb a cités, Spielberg qui est quand même un des maîtres du genre, pour moi à plein de niveaux. Et je déclare encore une fois mon amour absolu pour Stephen King parce que pour moi, c’est vraiment lui qui m’a appris à écrire et justement, dans l’oeuvre de Stephen King, le fantastique fait toujours irruption dans un quotidien ancré, qu’on connaît, avec des personnages “lambda”, jamais des surhommes, et le fantastique vient faire irruption là-dedans. Et c’est un truc que j’ai tendance à beaucoup reproduire, en tout cas cette formule-là, et je suis très très fan du genre fantastique. Je suis capable de “me bouffer” tout, que ce soient des bouquins, des films, des séries, dès que ça sort de l’ordinaire pour moi c’est la plus belle des manières de pouvoir s’évader…

SR : Et c’est ça qui est génial dans le jeu vidéo, c’est que c’est un milieu qui est très attiré par le genre [fantastique], de base. Donc c’est pour ça que je suis ravi dans ce milieu-là.

JLC : T’as raison, parce que c’est vrai que pas mal de gens, que ce soit dans les autres univers de création, encore une fois le cinéma ou la télévision particulièrement, n’ont pas cette culture du fantastique parce que même s’ils ont lu quelques ouvrages… Il y a le fait qu’on soit français, et qu’en France il y a toujours cette espèce d’immense chape de plomb au-dessus de la tête des créateurs en disant “on ne sait pas faire de SF en France, on ne sait pas faire de fantastique” sauf que c’est faux, on le voit en faisant du jeu vidéo, on sait très bien le faire. Et la France n’a pas peur de se comparer à des productions américaines qui, pour le cinéma et la télévision, sont le summum de ce qu’on peut faire en fantastique ou en science fiction.

SR : Je compatis beaucoup avec des scénaristes que je peux connaître, qui travaillent pour la télé, etc., qui arrivent à en vivre mais qui ont tous des projets à côté, personnels, qu’ils essaient de vendre parfois depuis 5 ans, 10 ans – des projets fantastiques, des projets de genre – et c’est une galère sans nom.

JZ : Jean-Luc Cano, c’est quoi la particularité d’une production d’un jeu narratif ?

JLC : Quand on travaille sur un jeu narratif, justement la narration, l’histoire, ce qu’on doit raconter, est l’un des piliers de l’expérience joueur. Donc forcément, sur un jeu qui est peut-être plus “purement gameplay” comme par exemple les Call of Duty, on peut oublier la partie narration qui n’est pas forcément la plus importante ; en revanche dans un jeu narratif, le scénariste est au coeur des réunions, il fait les réunions de design, les réunions avec tous les autres corps de métiers, pour qu’à chaque scène qui est designée, le scénariste est le garant de “ok, là il ne faut pas oublier… moi à la fin de cette scène, même si vous en tant que designers vous devez vous assurer du fun ou du plaisir que le joueur va avoir à jouer, moi si à la fin de la scène, il n’a pas compris ça, j’ai un problème avec ma narration”. Donc il va falloir se débrouiller pour intégrer cette narration et ces éléments que le joueur va devoir découvrir, que ce soit par des cinématiques, de la narration environnementale, des dialogues dynamiques, etc.

JZ : Sébastien Renard, la narration n’a pas toujours été au centre des créations du studio Asobo, qui a développé une grande variété de jeux. Il y avait une envie collective de faire un “jeu à scénario”, un “jeu à personnages” avec A Plague Tale ?

SR : C’est effectivement le fruit d’une envie, d’un désir de très longue date. Je n’étais pas là à la création du studio, j’y suis arrivé il y a 5 ans et demi, mais c’était une évidence qu’en fait… Je suis arrivé à ce moment-là de la vie du studio, on sortait d’un projet et effectivement, c’était le bon moment. Le studio avait les reins suffisamment solides pour lancer ce genre de projet, donc clairement j’ai été ravi qu’on me remette dans les mains cette responsabilité-là, même si c’était un travail collectif. Dans le jeu vidéo, on est tous des joueurs, donc même les boss d’Asobo le sont aussi, et donc il y avait ce désir derrière, après des années à travailler pour des studios comme Microsoft, Ubisoft, etc., de lancer une IP maison. Je pense que ce qui vraiment attire le plus dans ce type de projet, c’est la dimension émotionnelle, c’est vraiment la dernière frontière du jeu vidéo. Quand on voit qu’aujourd’hui qu’on peut pleurer devant un jeu vidéo, c’est vraiment génial, on a atteint ce truc que le cinéma arrive à faire depuis déjà un bon moment. Pour nous il y avait un gros challenge derrière ça, A Plague Tale : Innocence ça a vraiment été construit autour de ce désir-là de faire un jeu qui à la fois touche les joueurs mais qui nous touche surtout nous avant ça, qui nous permette de vraiment raconter une histoire. Donc oui, c’était une envie de très longue date qui a été concrétisée.

JZ : Et tout le studio a suivi ?

SR : Quand on a commencé A Plague Tale, on prospectait énormément. On avait les personnages mais on a mis un peu de temps à trouver l’environnement, à se dire “ok, ça va être le Moyen-âge, ça va être la période de la peste”, etc. Ça c’est des idées qui pouvaient venir d’un peu n’importe où dans l’équipe et puis petit à petit la vision s’est affinée, on a des dessins qui se sont faits pour illustrer l’univers, les personnages prennent vie, les enjeux prennent vie, le gameplay aussi se nourrit petit à petit. L’idée des rats n’était pas là encore à la base, vraiment au tout début, donc c’est quelque chose qui est arrivé encore un peu plus tard et qui forcément redessine une fois de plus le contexte narratif. Et au fil du temps, en fait la vision se précise, jusqu’au moment où, quand on est au plus fort de la production, il y a effectivement eu ce moment où il était évident que toute l’équipe marchait d’un même pas, que vraiment c’est quelque chose qu’on ne voit pas si souvent dans une industrie comme le jeu vidéo. Vraiment d’un seul coup les gens étaient amoureux du projet, amoureux des personnages, et on sentait bien qu’en fait chacun y allait de sa petite idée, vraiment tout le monde était investi dans ce projet et je pense que c’est ce qui a contribué à donner cette identité-là au jeu à la fin.

JD : Et qu’est-ce que vous apporte, en tant que créateurs d’histoires, la production d’un jeu vidéo ?

SR : Ça représente quand même une part de ma vie assez immense aujourd’hui et c’est vrai que je ne pourrais pas me passer de ce métier-là. Y a ce frisson de la création perpétuelle ; c’est fun aussi, on va pas se mentir. Travailler dans le jeu vidéo, c’est quand même travailler avec des gens qui sont passionnés, avec lesquels on parle le même langage. Souvent les collègues sont des potes, ça aussi c’est quelque chose d’extrêmement précieux. Et il y a ce côté “effort collectif”, ces moments qui peuvent être difficiles. Comme je disais, c’est très long une production de jeu, c’est très complexe, il faut écrire, il faut réécrire, réécrire, réécrire – je ne sais pas si les joueurs sont conscients de ça mais c’est extrêmement redondant. On teste, on casse, on recommence jusqu’à ce que ce soit parfait, en tous cas à nos yeux ; et arrivent ces moments magiques où d’un seul coup, les choses se mettent en place. Ça peut être l’arrivée des dialogues des acteurs définitifs, ça peut être l’arrivée de la musique et ces moments où d’un seul coup on a la manette dans les mains et où le jeu prend vie, des moments qui peuvent même dépasser nos attentes. Je sais que pour Plague, il y a eu un moment où j’avais des frissons des pieds à la tête et je me disais “je n’arrive même pas à croire que c’est nous qui avons fait ça”. Et donc ça, c’est quelque chose qui pour moi n’a pas de prix et c’est le jeu vidéo qui me l’amène parce que y a le collectif, y a l’interactivité, c’est un medium que j’adore et qui est extrêmement puissant quand il est bien utilisé.

JLC : Je suis 100% d’accord avec tout ce que vient de dire Sébastien. C’est vrai que c’est tout à fait ça. Et je rajouterais un petit truc quand même : c’est que le jeu vidéo m’apporte – en ce qui me concerne – la chance de pouvoir écrire les histoires que je rêverais de faire au cinéma ou en série télé en France, mais que justement je ne pourrai jamais faire parce que c’est pas cette culture-là en fait. Et le jeu vidéo, en tous cas Life is Strange, de par cette culture, l’univers dans lequel il se passe, l’univers américain, la petite dose de fantastique, toutes ces choses-là, ça me permet de réaliser mes fantasmes de créateur d’histoires.

SR : Il y a ce truc aussi d’amener quelque chose au joueur, et c’est quelque chose qui vient avec l’expérience. En tout cas en ce qui me concerne, c’est plus je suis devenu lucide, et plus j’ai pris confiance en moi, plus j’ai été en mesure de penser ce que je faisais, comme vraiment étant dirigé au joueur, et donc à pouvoir me poser la question de ce que j’ai envie de transmettre, de laisser le joueur avec quelque chose.

Jean Zeid : Merci à Jean-Luc Cano et Sébastien Renard, ainsi qu’Asobo Studio et Dont Nod Entertainment.

“Conversations avec les Pégases” est le podcast de l’Académie des Arts et Techniques du Jeu Vidéo.

Production et réalisation : Marcel Atelier